Les robots conversationnels et la reconfiguration de la collaboration et de l’indexation

Les robots conversationnels et la reconfiguration de la collaboration et de l’indexation

Dans ce texte, nous proposons d’examiner l’évolution récente des modèles d’intelligences artificielles génératives et conversationnelles ainsi que les dynamiques qu’ils introduisent dans le domaine de l’indexation. Nous soulignons également les limites actuelles de ces technologies ainsi que les contrepoids nécessaires à leur intégration responsable dans les pratiques documentaires. 

Les robots conversationnels et la reconfiguration de la collaboration et de l’indexation 

Les récentes avancées en matière de robots conversationnels, qui se situent à l'intersection de l'intelligence artificielle (IA), des sciences de l'information et des humanités numériques, induisent de profondes transformations des pratiques d'accès, de classement et de transmission des connaissances. L’émergence de la recherche générative, rendue possible par les modèles de langage de grande taille (LLM), met de l’avant l’interaction conversationnelle et fait une rupture méthodologique de l’indexation fondée sur les mots-clés et les hyperliens — comme c’était le cas avec la recherche Google traditionnelle. 

Dans ce texte, nous proposons d’examiner l’évolution récente des modèles d’intelligences artificielles génératives et conversationnelles ainsi que les dynamiques qu’ils introduisent dans le domaine de l’indexation. Nous soulignons également les limites actuelles de ces technologies ainsi que les contrepoids nécessaires à leur intégration responsable dans les pratiques documentaires. 

De l’indexation classique à l’agent conversationnel 

L’indexation est un processus essentiel dans les systèmes de recherche d’information (p. ex. Google, ChatGPT, Sharepoint) : elle permet d’analyser, de trier, d’enregistrer, d’organiser et de hiérarchiser les contenus dans un index documentaire afin de proposer des résultats pertinents en réponse à une requête. Il est donc possible de se faire assister pour indexer automatiquement ses archives, décrire les photos d’un évènement pour leur mise en ligne, ou encore créer un guide destiné au public dans un catalogue numérique d’œuvres, par exemple. Le terme indexation (indexer et -⁠tion) provient du latin classique index, « chose qui indique ». Dans le contexte des systèmes de repérage documentaire, cette méthode, autrefois centrale, s'est caractérisée par une structuration rigide et hiérarchisée de l'information. Cette approche a facilité la navigation dans des bases de données organisées selon des logiques de classement précises, permettant ainsi une gestion efficace des données. Cependant, l'essor d'interfaces telles que ChatGPT ou Google Gemini semble indiquer une transformation du rapport à l'information, caractérisée par une plus grande fluidité due à la conversation collaborative de la recherche d’information. En effet, l’utilisatrice ou l'utilisateur ne semble plus rechercher des informations dans une liste structurée, mais interagir directement avec un agent conversationnel. 

 

Exemple du robot conversationnel de la plateforme Yapla 

Vers une pluralité des réponses 

Les agents conversationnels génèrent des réponses contextualisées, synthétiques et personnalisées. Ce passage, d’un mode de recherche fondé sur des résultats sous forme de liens vers une interprétation active du besoin d’information, marque une évolution importante : celle d’une dissolution de la réponse universelle au profit d’une pluralité interprétative, ouvrant la voie à de nouvelles formes de collaboration entre humain et machine. 

Agents intelligents et automatisation 

Avec l’arrivée des agents, tels que l’agent ChatGPT, l’autonomie technologique franchit un nouveau seuil. Ces agents peuvent effectuer des tâches complexes en simulant un comportement humain au sein d’environnements numériques. Ils sont capables d’effectuer des achats en ligne, de gérer des agendas, d’interagir avec des interfaces Web, et bien plus encore(1).

Ces derniers utilisent leur propre navigateur pour interagir et exécuter des actions, bien que leurs capacités soient encore limitées et évolutives. Certaines versions ont même un degré plus élevé de sophistication parce qu’ils initient des conversations en s’appuyant sur l’historique des interactions et les préférences utilisateur(2).

Scénarios d’évolution en 2025 

Selon Jared Kaplan, scientifique en chef d’Anthropic, une compagnie d’intelligence artificielle, les agents IA connaîtront des avancées notables en 2025(3) :

  • Automatisation accrue des tâches complexes : remplissage de formulaires, plan d’action, planification d’horaire de projet, résumé de documents. 
  • Capacités de recherche améliorées : permettent aux agents d'utiliser des outils informatiques pour accomplir des tâches spécifiques (p. ex. Microsoft Excel, Google Calendar). 
  • Résilience logicielle : capacité à reprendre une tâche sans recommencer entièrement en cas d’erreur. 
  • Coordination multi-agents : orchestration de tâches entre agents spécialisés pour une efficacité optimisée.

Ces innovations, dont l'impact sur l'interaction avec les systèmes d'information est considérable, sont susceptibles de transformer durablement les pratiques en la matière. Plusieurs pistes d’inspirations quant à leur utilisation sont possibles en résonance avec une vision artistique ou culturelle, par exemple la préparation automatique des fiches d’une exposition, la coordination des horaires ou l’adaptation de contenus éducatifs à différents publics. 

 

Introduction à l’agent de ChatGPT et à ses fonctionnalités 

Repenser les logiques de classement 

Cette reconfiguration informationnelle a pour effet de remettre en question les paramètres classiques du classement, de l’authentification et de la conservation. Les LLM agissent comme des médiateurs dynamiques, capables de tisser des liens interdisciplinaires, multiformats et contextuels, réduisant ainsi l’effet de cloisonnement des silos documentaires. 

Les silos désignent des structures d’information isolées, c’est-à-dire des systèmes ou ensembles de données qui fonctionnent de manière autonome sans échange fluide avec d’autres systèmes – et qui peuvent entraver :

  • l’interopérabilité (capacité de différents systèmes ou logiciels à communiquer et à échanger des données sans perte d’information); 
  • la collaboration (travail conjoint et coordonné entre différentes personnes ou équipes); et 
  • l’accès transversal (consultation croisée de l’information à travers différents départements, bases de données ou disciplines).

Ce cloisonnement structurel entraîne une perte d’efficacité, des duplications de données, voire des risques accrus pour les différentes conformités réglementaires et la sécurité des données. En d'autres termes, c'est comme si chaque service avait sa propre bibliothèque de documents, mais que ces bibliothèques n'étaient pas connectées entre elles. Cette dynamique a pour conséquence de rendre l'accès aux informations détenues par des silos distincts plus ardu. Il convient également de mentionner les risques de conformité et de sécurité. En effet, une gestion fragmentée des documents peut compromettre l'application des politiques de sécurité et le respect des réglementations en vigueur, comme la Loi 25(4). Une stratégie accessible pouvant limiter l’effet de silo pour les actrices et acteurs et organismes culturels est d’adopter des systèmes de gestion documentaire partagés et utilisant des métadonnées (p. ex. archives, communication, administration). Les suites de logiciels Microsoft 365 et Google Workspace sont des solutions tout-en-un. Également, les systèmes de gestion intégrée et électronique des documents (GID, GED) M-Files ou Constellio permettent d’automatiser le classement. 

Vers un équilibre technologique ? : la responsabilité de la low-tech et de la supervision humaine

Face à cette accélération technologique, un mouvement comme la low-tech (basse technologie) propose une approche alternative caractérisée par une sobriété plus marquée. La basse technologie désigne des techniques, des objets, des systèmes et des pratiques conçus pour être utiles, accessibles et durables. Elle privilégie des solutions simples, réparables et économes en ressources, en opposition à l’extractivisme de la haute technologie. Cette approche s'inscrit donc en antithèse des innovations technologiques de pointe, en ce sens visant à répondre aux besoins essentiels de manière sobre, respectueuse de l'environnement et des humains. 

Les suggestions de l’ADN 

La confidentialité renforcée, le contrôle sur les modèles utilisés et une réduction des coûts récurrents sont non négligeables. À la lumière de la low-tech, une des prochaines étapes possibles consiste à exécuter des LLM localement, sur son propre appareil(5), comme le permettent les solutions Ollama ou LM Studio. Ce faisant, aucune de vos données ou de vos requêtes ne quitte votre appareil, garantissant une confidentialité maximale de vos actions sur le Web, ce qui est crucial pour les informations sensibles ou personnelles. Vous pouvez utiliser le LLM n'importe où, n'importe quand, même sans connexion internet. Vous avez un contrôle complet sur le modèle, sa configuration et ses mises à jour, sans dépendre des politiques ou des changements de service d'un fournisseur de services infonuagiques. Cela permet également l'expérimentation et l'apprentissage des limites des LLM. Cette approche, en instaurant une décentralisation partielle du pouvoir informationnel, confère une autonomie accrue aux usagères et usagers ainsi qu’aux organisations, tout en favorisant une gestion plus respectueuse de l'environnement. De plus, l’humain conserve un rôle déterminant dans l’écosystème des IA : il intervient pour corriger les erreurs, superviser les décisions, valider les actions, encadrer la sécurité et définir les objectifs. L’humain joue aussi un rôle éthique en s’assurant que les technologies servent l’intérêt collectif, prévoyant les défaillances potentielles. 

Conclusion : l’humain au cœur de l’architecture cognitive 

Le rôle de l’humain ne disparaît pas, mais il se redéfinit. Culture Laval vous invite à participer en continu à un laboratoire vivant pour tester la collaboration avec les robots conversationnels dans des usages responsables et créatifs. Les robots conversationnels ne sont pas de simples outils techniques : ils participent à un changement cognitif et documentaire. Nous avons vu qu’à travers eux, l’architecture de la connaissance est en train de basculer. Il s'agit donc, pour les actrices et acteurs culturels, de concevoir leur utilisation de ces outils avec rigueur, éthique, durabilité et vision à long terme.  

 

Ces questions vous intéressent ? N’hésitez pas à contacter notre Agent de développement numérique William Jourdain

 

1 a. https://www.technologyreview.com/2025/01/23/1110484/openai-launches-operator-an-agent-that-can-use-a-computer-for-you/?utm_source=the_download&utm_medium=email&utm_campaign=the_download.unpaid.engagement&utm_term=&utm_content=02-11-2025&mc_cid=7485890a12&mc_eid=1b6a75fbfa   

1 b. https://www.blogdumoderateur.com/openai-presente-agent-chatgpt-prendre-controle-pc/?utm_source=blogdumoderateur&utm_medium=email&utm_campaign=newsletter_hebdomadaire&utm_content=media-1 

2. https://techcrunch.com/2025/07/03/meta-has-found-another-way-to-keep-you-engaged-chatbots-that-message-you-first/?_bhlid=de6951fa12cc8b09d781cb66ed7b823cd7cdb7ee 

3. https://www.technologyreview.com/2025/01/11/1109909/anthropics-chief-scientist-on-5-ways-agents-will-be-even-better-in-2025/

4. iv https://www.culturelaval.ca/fr/actualite/loi-25-ce-quil-faut-savoir 

5. https://www.technologyreview.com/2025/07/17/1120391/how-to-run-an-llm-on-your-laptop/?utm_source=the_download&utm_medium=email&utm_campaign=the_download.unpaid.engagement&utm_term=&utm_content=07-19-2025&mc_cid=9165289042

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